J’ai regardé sur Netflix l’adaptation de Pinocchio par Guillermo Del Toro : apparemment elle cartonne bien puisque pour cette deuxième semaine de diffusion, il s’agit du film le plus regardé sur la plateforme.

Ce « Pinocchio » est donc une adaptation du classique de la littérature de Carlo Collodi écrit en 1881. Sans surprise, il est très différent du classique de Disney de 1940. Mais contrairement à ce que l’on aurait pu penser au premier abord, cette première adaptation était probablement plus fidèle au roman d’origine que ne l’est le film de Del Toro. Il s’agit bien ici aussi d’une relecture assez libre de cette histoire intemporelle.

Je n’ai que rapidement parcouru le roman de Collodi mais celui-ci semble plutôt relever du genre de la farce ou de la comédie, avec une tonalité un peu moralisatrice. Pinocchio multiplie les bêtises et apprend progressivement, à force de mésaventures, le sens des responsabilités.

Si l’on retrouve naturellement cette trame de fond dans le Pinocchio de Del Toro, cette nouvelle adaptation s’en démarque nettement par son ton plus tragique. A commencer par la période : l’histoire se passe entre les deux guerres mondiales.

Spoil mineur puisqu’il s’agit des 5 premières minutes du film :

Pour qui connaît le cinéma de Del Toro (au-delà de ses blockbusters !), Pinocchio évoquera inévitablement le souvenir du "Labyrinthe de Pan". Déjà dans ce film, le réalisateur traitait de sujets graves par le prisme de la fantasmagorie.

Bien loin d’une comédie légère, le film évoque le deuil, la folie de la guerre et le montée du fascisme italien. La question de la mort y est omniprésente, jusqu’à la dernière minute du film. N’espérez pas y trouver une morale rassurante hollywoodienne du type « Tout est bien qui finit bien. » La morale de Pinocchio est dure, réaliste : à la fin, nous disparaissons tous, alors tout ce que nous pouvons faire, c’est vivre de notre mieux.

A ce propos, on pourra peut-être reprocher à ce Pinocchio de sombrer un peu trop dans le pathos. Déjà, ne regardez pas le film si vous êtes dans un état triste ou dépressif. Et peut-être ne le montrez pas à des enfants un peu trop jeunes : ce Pinocchio-là n’est pas pour eux (préférez le classique de Disney avec des gosses qui fument des cigares en jouant au billard !).

Aussi, si l’évocation de la montée du fascisme est une idée intéressante, il y a un moment où celle-ci prend un peu trop le pas sur le récit d’origine, au risque d’en détourner l’esprit.

Ce détour dispensable allonge un peu inutilement la durée du film, qui, avec ses deux heures, aurait certainement gagné à être un peu plus court. Dans le même registre j’ai trouvé que le film avait quelques problèmes d’équilibre et de rythme, consacrant un peu trop de temps à certaines tribulations de Pinocchio.

Du côté de la réalisation, c’est juste magnifique. « Pinocchio » est entièrement réalisé en stop motion, et quels progrès depuis « l’Etrange Noël de Monsieur Jack » ! (Oui, je sais, ce n’est pas le même réalisateur. Mais c’est le premier film que je considère comme étant de la « stop motion moderne »...). Loin de copier Disney, le film fait preuve d’une très grande inventivité graphique pour ses personnages. Le design et l’animation de Pinocchio lui-même sont incroyables, en particulier dans les premières scènes : seule la « stop motion » peut donner cette impression de voir s’animer un véritable pantin

A mon sens, là où la 3D vieillit inévitablement après quelques années, au fur et à mesure des progrès technologiques, les films en stop mo garderont leur beauté et leur « âme » d’origine, même des décennies plus tard.

En conclusion, malgré ses quelques petits défauts évoqués plus haut, je vous recommande vivement ce Pinocchio-là : c’est un magnifique œuvre d’animation, et une très belle réussite, qui apporte un éclairage nouveau et original sur un classique de la littérature.