J'en ai découvert l'existence deux jours avant sa sortie. Voyant l'affiche dans le métro, ma première réaction a été "Quoi, encore un film? Mais il y en a pas un qui est sorti, genre, il y a six mois?". Mais pas de Dubosc ou de Seimoun sur l'affiche (attends, je confonds avec Ducobu...) : non, juste un beau dessin de Sempé. Et je me suis pris à rêver : "Serait-ce possible que...?".

C'est en regardant la bande-annonce que j'en ai eu la certitude :

Et oui, OUI, incroyable : un VRAI dessin animé du Petit Nicolas, du Sempé animé, un rêve de gosse!

Le petit Nicolas, c'est mon enfance, et celle de la génération d'avant moi. Création de Goscinny, le scénariste d'Astérix, et du dessinateur Sempé, le petit Nicolas raconte les aventures, vu par les yeux dudit Nicolas, d'un petit garçon, de ses parents et de sa bande de copains, dans une enfance d'un Paris qui n'a probablement jamais existé. L'humour repose largement sur le fait que le petit Nicolas commente des situations et réactions d'adulte qu'il interprète (mal), mais que le lecteur adulte comprend instantanément : cela faisait partie du génie de Goscinny que de raconter des histoires à deux niveaux de lecture. Alors certes, peut-être tout cela paraîtra-t-il désuet à la jeune génération : l'humour, bien que savoureux, est peut-être un peu daté, un peu trop "gentil". Il n'empêche : la salle a bien ri, et mes enfants aussi!

Du point de vue de la réalisation "Le Petit Nicolas" m'a fait pensé à "Mes voisins les Yamada". Certes, le style est différent, c'est celui de Sempé. Mais la réalisation, magnifique, est souvent proche de celle de Takahata : la succession d'historiettes, souvent drôles, tantot graves ; le trait changeant, les dessins qui apparaissent et s'effacent, comme si on les gommait; l'animation traditionnelle, tantôt en noir et blanc, tantôt en couleurs; et par moments, les magnifiques aquarelles contemplatives, directement issus des travaux de Sempé, que ce soit dans le Petit Nicolas ou dans ses illustrations du New Yorker.

Mais "Le Petit Nicolas" n'est pas seulement une succession de sketchs tirés des aventures du petit garçon. C'est avant tout un hommage d'Anne Goscinny pour son père. "Le petit Nicolas" raconte la rencontre des deux auteurs, leurs premiers travaux, leurs hésitations. Et puis le drame qui a marqué la vie de la jeune Anne : la mort brutale de son père en 1977, à l'âge de 51 ans. Anne n'aura de cesse, par la suite, que de valoriser les créations de son père. A mes yeux, elle est la plus fervente gardienne de l'humour délicieux de René Goscinny. Là où Uderzo aura détesté "Mission Cléopâtre", Anne Goscinny aura reconnu dans Alain Chabat l'un des héritiers les plus fidèles de son père. L'humour est différent (plus "Nul" ) mais l'esprit est le même. Ce n'est probablement pas pour rien que dans le dessin animé, il prête sa voix à Goscinny lui-même.

Allez voir "Le Petit Nicolas" : c'est drôle, c'est charmant, c'est parfois triste, comme dans la vraie vie. Mais c'est beau.