0:15 am
27 septembre 2015
Tout le monde sait bien que pour être animateur, il faut être un peu barjo. Enfin, moi, quand je dis que ça m'amuse de dessiner 24 fois la même chose à un pouième près pour avoir le plaisir de le voir bouger pendant une seconde, les gens me regardent avec une lueur bizarre dans les yeux ("Va-t-il me mordre? Où ai-je donc foutu mon spray à poivre?").
Alors je vous laisse imaginer l'état de démence avancée du réalisateur qui s'est réveillé un matin en se disant : "Tiens, et si au lieu de faire de l'animation avec un personnage dessiné en trois traits, on faisait ça avec 12 copies de tableaux de Van Gogh par seconde? Non, parce que sinon, c'est trop facile..."
C'est pourtant le pari insensé des co-réalisateurs de "La passion Van Gogh", un film d'animation britanico-polonais réalisé entièrement... à la peinture à l'huile. Prenant pour référence 120 tableaux de Van Gogh, une équipe de 68 peintres s'est échinée à mettre en mouvement les paysages et personnages emblématiques de son œuvre.
Pour l'animation, cela s'apparente plus à du rotoscoping : les animateurs sont partis de prises de vues réelles qu'ils ont peintes image par image en reproduisant au mieux le trait si caractéristique de Vincent. Résultat : un enchantement visuel qui frise l'overdose. On ne sait où donner de la tête : le film mériterait qu'on le revoie plusieurs fois pour repérer toutes les références à l’œuvre du peintre. Malgré cela, ça fait un peu comme la 3D : au début, on est impressionné par la technique, mais au bout d'un moment, on finit par l'oublier et par se laisser porter par l'histoire.
L'histoire, justement, est assez intéressante pour qui ne connait pas la biographie du peintre sur ses dernières années. Un an après la mort de Vincent, Armand Roulin, fils de facteur, est envoyé par son père à Paris pour remettre une lettre posthume du peintre à son frère Théo, qui le soutenait financièrement. Après un bref passage, les pas d'Armand le conduisent à Auvers-sur-Oise, où le peintre a vécu ses derniers mois. Il finit par s'intéresser de près au suicide (?) de Van Gogh, que plusieurs personnes ne parviennent pas à s'expliquer. Bien sûr, par beaucoup de côtés, le scénario est un prétexte pour faire voyager Armand dans les villes visitées par le peintre, lui faire rencontrer une multitude de personnages haut en couleur (le Dr Gachet, la propriétaire de l'auberge, le facteur Roulin, le Zouave), et surtout lui faire traverser ces paysages champêtres et villages écrasés par le soleil que Vincent aimait tant peindre. Mais globalement, l'histoire est bien menée et intéressante : et en plus, on se cultive!
Bon après, vous avez l'habitude de me voir m'extasier devant des films d'animation indépendants projetés dans des grandes salles vides, alors vous savez à quoi vous attendre : c'est pas les Minions... Et si vous voulez aller le voir, ne tardez pas trop parce que vu le "succès retentissant", ça ne va pas rester longtemps sur les écrans!
1:42 am
26 juin 2013
Pour les Stats :
- Au plus fort de la prod, ils étaient monté à 150 peintres, le tout ayant pris environ 5 ans (si je me souviens bien, mais je sais plus si ça comprend la pré-prod ).
- Au total ils ont peint l'équivalent de 65.000 peinture à l'huile pour arrivé au total mais c'est en fait 1 peinture par Plan, qu'ils modifiaient au fur et à mesure de l'animation (vu que l'huile ça sèche pas).
C'est du coup presque plus une oeuvre d'art qu'un film dans le sens ou comme l'a dit FrozenOwl, personne de sensé n'aurait osé lancer la prod d'un film "standard" avec une idée pareille. La méthode de prod elle même est on ne peut plus éloignée de l'approche classique qui voudrait qu'on cherche à rendre possible l'impossible, par exemple en développant des rendus similaires sur ordi plutôt que de les faire à la main.
Dans la catégorie, vous avez des films comme Mes Voisins les Yamada, et d'autres... Mais la c'est l'inverse : on ne cherche pas à imiter un rendu, on le fait, coûte que coûte !...
Autant dire que les auteurs de cette prouesse ne cherchait de toute façon pas la rentabilité, et c'est donc pour cela que je trouve que la balance bascule lourdement du côté artistique et ne pèse pratiquement rien côté "film cinéma qui doit se rentabiliser car c'est aussi un Business".
8:17 am
27 septembre 2015
Je viens de réaliser que le titre original "Loving Vincent" a au moins trois niveaux de lecture :
- Pour tous les gens qu'Armand croise dans le film, Van Gogh, c'est "Vincent", un ami qu'il croisait tous les jours, qu'ils aimaient et dont la perte est douloureuse. C'est vraiment une histoire personnelle, et pas la légende d'un "peintre vedette".
- L'histoire tourne autour d'une lettre qu'Armand doit remettre à Théo. Or, quand Vincent écrit, il finit toutes ses lettres (en anglais... ) par "Loving, Vincent".
- Last but not least, le film est lui-même, comme le dit Marco, un travail artistique : je dirais même un travail d'amour et de passion, fait pour la beauté du geste et pas pour la rentabilité. Vu le nombre de sociétés (une dizaine) affichées dans le pré-générique, on se dit que le financement n'a pas dû être simple... Et ça fait vraiment écho au film, qui raconte que Vincent, pour peindre, reposait lourdement sur les finances de son frère Théo, qui avait confiance en lui et qui malgré ses propres difficultés, payaient ses fournitures. Vincent lui-même n'aura vendu qu'une toile de toute sa vie...
L'analogie s'arrête là pour le moment : l'histoire dira si "Loving Vincent" est lui aussi destiné à devenir un chef d’œuvre, un film culte qui n'aura jamais rien rapporté mais que tous le monde connaîtra. Ou s'il va sombrer dans l'oubli comme nombre d'impressionnistes de l'époque de Van Gogh...
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