13:54 pm
27 septembre 2015
Réalisé par Sébastien Laudenbach, "la jeune fille sans mains" est une adaptation en "film dessiné" (terme employé par l'auteur) d'une pièce d'Olivier Py, elle-même adaptée du conte éponyme des Frères Grimm.
Comme dans les VRAIS contes pour enfants d'origine, qui n'ont pas été édulcorés durant la deuxième moitié du XXème siècle, l'histoire est sordide, violente et cruelle. Un meunier très pauvre vend au Diable, en l'échange de la richesse, "tout ce qui se trouve derrière son moulin". Il pensait que ne s'y trouvait que son pommier, mais sa fille était perchée dans ledit pommier. Le Diable tient parole et offre une rivière d'or au meunier, mais exige son dû. Cependant, à son grand dam, il ne peut s'en saisir car la jeune fille est trop pure. Fou de rage et d'envie, le Diable mettra tout en œuvre, y compris les moyens les plus vils et pervers (c'est le Diable, hein!) pour parvenir à ses fins.
L'adaptation animée ne trahit en rien ses origines. L'histoire est violente et crue : sexe, nudité et bas instincts y font bon ménage. Pour ces raisons, je déconseillerais ce film à tous les enfants dont les parents pensent qu'il n'est pas bon de raconter les versions d'origine des contes à ses enfants. (A ce titre, fruit de mon expérience personnelle récente, je vous conseille de relire "le Petit Poucet" de Charles Perrault avant de le raconter à votre bambin : vous ferez votre choix en votre âme et conscience.)
Le graphisme du film est tout en gouache et encre : chaque scène ressemble à un tableau, un paysage suggéré tout en touches discrètes et en nuance. On pense à des estampes japonaises, ou à la princesse Kaguya de Takahata, en plus stylisés encore.
L'animation est encore plus surprenante : très souvent, les contours des personnages sont à peine esquissés, les mouvements seulement suggérés en quelques traits. Les personnages semblent parfois s'effacer totalement, le temps d'une image, et pourtant l' "Illusion de la Vie" chère à Disney est bien présente. Laudenbach dit s'être inspiré de la cryptokinographie, une technique de dessins aux traits simples et inachevés dont le motif n’est révélé que par l’animation des images. Il dit préférer "dessiner le mouvement" que le détail de l'objet.
Mais c'est aussi un choix économique! En effet, le générique de fin laisse pantois : après le sobre "film dessiné par Sébastien Laudenbach", on s'attend à voir la traditionnelle équipe d'animation de 10 personnes d'une petite production. Ben non : en plus de Laudenbach lui-même, le casting se limite à quelques personnes qui ont travaillé sur le compositing, les voix et la bande-son (très réussie)
Laudenbach explique s'est enfermé dans la Villa Médicis, avec le soutien de son épouse, pour dessiner et animer la totalité du film, sans storyboard, en suivant la chronologie du conte.
Un long-métrage de 76 minutes.
Seul.
Si, comme je l'espère, cela force le respect de l'animateur qui est en vous, allez voir ce film!
Enfin, où vous pourrez le trouver... Car, comme bien souvent, ce type de production, qui est pourtant d'une grande qualité artistique et a même une bonne histoire, bien racontée, aura du mal à trouver son public : mal distribué, ne s'adressant ni tout à fait aux enfants d'aujourd'hui, ni aux adultes qui pensent que les dessins animés sont pour les enfants, il est quasiment condamné au flop. Et ce en dépit des très bonnes critiques et des récompenses (Prix du jury au Festival d'Annecy).
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