Alors ça fait une paire de semaine que le Film Sausage Party est sorti sur les écrans américains. Ce film, une idée du duo James Franco et Seth Rogen (qui n'ont peur de rien) a été à la fois écrit et produit par ce dernier et une bande de dingues aussi allumés que lui... 

Le but était de faire un film d'animation 3D, complètement à l'arrache, avec pour objectif d'être bien Trash et R-rated (interdit au moins de 18 ans) mais d'accrocher quand même un certains public pour avoir assez de succès. Mission : prouver que l'animation peut être autre chose qu'un truc niais pour enfants et ne pas être condamner à faire flop pour autant.

Le but est noble... La méthode est brute et primaire car elle ressemble plus à une énorme blague potache qu'à quelque chose de sérieux. Pourtant dans un sens, en cas de succès le film frapperait quand même très fort dans les fondations d'Hollywood et ses idées de productions « Tout Public – Zéro Risque – Zéro originalité ». 

Je vous laisse contempler le Trailer, mais je vous préviens : c'est à vos risques et périls... 

Et ma foi, mission accomplie car à l'heure actuelle le film a fait plus de 74 millions de $ au Box Office américain. C'est certes assez peu impressionnant pour ceux qui pensent aux gros scores des Blockbusters, mais pour la petite anecdote... Il vient de battre L’Âge de Glace 5, qui n'a fait que 61 millions de $ aux USA alors qu'il est sorti 21 jours avant Sausage Party ! 

Et surtout, SURTOUT... Sausage Party n'a coûté que 19 millions de $ !!  C'est un budget complètement ridicule pour un film 3D aux USA, et qui lui assure d'être ultra rentable avec pourtant un score relativement modeste ! La hantise n°1 d'Hollywood qui a bâtit la légende qu'un bon film devait être fatalement cher car il faut embaucher les meilleurs acteurs qui sont eux même cher mais qui garantiraient par leur présence dans le film que celui-ci sera rentable, car il faut le rentabiliser car il a coûté super cher... La boucle infernale qui fait tourner toute la machine à Hollywood ! 

Pensez-y : le coût du film, c'est aussi tout bénef pour Hollywood lui même puisque c'est ça qui paie les acteurs et qui fait tourner l'industrie... Donc imaginer qu'on puisse prouver qu'il n'est pas nécessaire d'engloutir des fortunes dans la machine Hollywoodienne pour faire de l'argent... C'est la panique ! 

« Breaking the Glass Ceiling » comme l'expliquaient les 2 réalisateurs dans un article de Rotoscopers. 

Et notre OVNI semblait avoir gagné le pari de le prouver !... Jusqu'à ce que... 

Dans un article de Cartoon Brew ou ils interviewent les 2 fameux réalisateur de la chose, il va se passer un truc... Ou plutôt en dessous de l'article... Dans les commentaires ! Car oui, Cartoon Brew est un des sites ultra-rares ou les commentaires valent le coup d'être lu, et le sont très très souvent par les gens de la profession.

Or dans ces commentaires, on commence a entendre les voix de certaines personnes disant avoir participé à la production du film et... Que ça avait été un pur enfer pour eux, entre deadlines impossibles à tenir, manque de moyens criant (et avec un budget de 19 millions, c'est bien plus que probable ), heures supplémentaires non payées... Le Chaos absolu, avec une belle cerise sur le gâteau : sur les 83 personnes qui auraient travaillé sur l'animation de ce film, seules 47 seraient créditées au générique ! 

47 personnes au générique pour l'animation, c'est une info vérifiable, et c'est affreusement peu pour faire un long métrage 3D... Du coup pas vraiment crédible sur un générique officiel. Après, le chiffre de 83 personnes est tiré de la fiche IMDB du film, qui n'est pas forcément complète et qui a l'heure actuelle est même plus proche des 100 personnes que des 80, ainsi que des témoignages des personnes impliquées.

Alors bien sur, vous allez trouver des articles avec des gros titres racoleurs comme l'Express.UK qui parle d'animateurs obligés de travailler gratos avec menace de Black List, mais c'est du Click-bait...  Le fond est que la direction du studio Nitrogen, chargé d'animer ce machin, aurait mis la pression sur les employés de façon exagérée, au point que certains sont même parti en claquant la porte. Il semble aussi vrai qu'ils refusaient au départ de payer les heures supplémentaires (Donc c'est pas exactement travailler gratos tout court... ) ce qui aurait été corrigé après... Mais seulement à partir du moment ou la production au dessus aurait été mise au courant du fait et ait obligé qu'on paie les gens en bonne et due forme, et seulement pour les heures sup à venir ! Pas question de payer les heures déjà faites gratos, comme le signale aussi la fin de cet article sur AWN (et bien d'autres sources, comme le LA Times ou encore le Washington Post, The Hollywood Reporter, le site Inverse...). Bon, du coup ceux qui avaient craqué avant et étaient parti, ils ont pu s’asseoir dessus... 

Au milieu de tout ça, vous avez encore pourtant des gens qui se lèvent pour défendre la prod, en disant que la pression c'est quelque chose d'inévitable, que c'est normal de sacrifier un peu de soi sur ce genre de projet et même qu'il arrive souvent de ne pas être crédité dans un générique si on a fait trop peu de choses, qu'on est resté très peu de temps sur la prod...

Tout ceci est dans un sens vrai... Mais dans un certains nombre de limites qui semblent avoir largement été dépassées dans ce cas particulier. 

Déjà, y'a deux formes de pression : la bonne et la mauvaise (à ne pas confondre avec le Stress, qui est toujours mauvais. Il n'y a pas de « bon Stress ». ). Dans la bonne version, on vous met la pression pour que vous sortiez le meilleur de vous même et que vous puissiez être fier du résultat à la fin, quel que soit le succès du projet par la suite. La mauvaise version, c'est quand on vous met la pression pour finir plus vite, plus tôt, moins cher, ou dans ce cas vous demandez plus au nom d'un film qui se veut révolutionnaire en vous disant que c'est à vous de donner vos tripes gracieusement pour cette blague potache géante qui veut défier Hollywood. Le problème c'est que si cette pression n'est pas récompensée sous une forme ou une autre, la seule choses que vous allez obtenir, c'est du Stress...

Qui est forcément mauvais...

Après, pour le fait de ne pas être au générique, c'est aussi vrai que ça arrive, surtout quand on a presque rien fait ou qu'on est parti en étant en froid avec la prod... Mais on a des témoignages de gens qui étaient visiblement content de leur séjours, n'ont pas connu la prod sur la fin quand tout a vraiment explosé, sont pourtant resté plus d'un an sur la prod et pensaient être parti en bon terme... Et on été désagréablement surpris de ne pas être crédité au final. 

De toute façon, il est clair que si 40 à 50% du département animation manque au générique, ce n'est absolument – pas – normal ! 

C'est le plus étonnant pour moi : j'aborde toujours les choses avec pragmatisme et je regarde toujours le pour et le contre... Mais la c'est parfois tellement énorme que je ne comprend pas comment on peut défendre le truc ! On peut débattre sur l'étendue du problème, ok... Mais le problème est RÉEL ! Et loin d'être anecdotique... 

Car, comme je vous le rappelle, le film est très rentable : il a déjà rapporté au Box Office 4 fois plus que ce qu'il a coûté ! 

Ok, y'a sûrement une clause dans le contrat pour avoir un Bonus en cas de succès, mais ce Bonus ne se déclenche traditionnellement qu'arrivé à une certaine recette au Box Office, inconnue... Et surtout, les gens qui ne sont plus dans le studio ont peut de chance de toucher quoi que ce soit, si jamais un jour quelqu'un touche quelque chose. Déjà que, de toute façon, ils ne sont même pas reconnu officiellement sur le générique comme ayant bossé dessus... 

Du coup, maintenant l'affaire est dans les main des syndicats canadien, pays ou se trouve le Studio Nitrogen... Le problème étant que, comme l'explique cet article de Cartoon Brew, il n'existe pas de branche spéciale de syndicat pour l'animation ou les VFX au Canada. Aux USA, vous avez le très puissant TAG (The Animation Guild), et malheureusement ceux-ci ne peuvent rien faire pour ce cas, sauf si on arrive à prouver que quelque choses de louche a eu lieu dans la prod aussi aux USA et qui serait lié directement à Nitrogen. 

Or cela ne semble pas être le cas, et même Seth Rogen ne semble honnêtement pas avoir eu vent de la chose : les infos sur la situation interne au studio auraient été court-circuité par la direction pour ne pas inquiéter la prod (ce qui est parfaitement plausible comme explication ).

En tout cas, je pense qu'on a pas fini d'en entendre parler et je garderais bien sur un œil sur le développement de toute cette histoire...